John Maynard Keynes

John Maynard Keynes

Aujourd’hui le président de la République préside à Paris avec Tony Blair un sommet international sur le thème de la refondation et de la régulation du capitalisme. Le capitalisme peut-il être régulé ? Vous savez qu’aujourd’hui tout le monde est pour la régulation keynésienne, le Figaro a fait même de Keynes « l’homme de l’année ». Nous allons donc être terriblement keynésiens durant toute cette chronique. Allons-y.

Keynes était un épicurien et un immoraliste : sa vie et son œuvre sont en réaction contre la morale victorienne. Il aimait la vie collective, les arts, l’amitié, les hommes et les femmes. Au moment de la guerre de 14 il fut pacifiste. Il fut féministe. C’était un génie qui fréquentait les génies. Russel, Einstein, Wittgenstein... Il fut l’une des quatre personnes à qui Wittgenstein, pour qui il eut un faible, donna à lire avant publication son « Tractatus logicus philosophicus ». Il collectionnait les tableaux de maître. Il aimait les voyages et voyagea beaucoup en Italie.

C’était un utopiste : il pensait que les quartiers ouvriers devaient être aussi beaux que les quartiers bourgeois, que ça remonterait le moral des masses.

Régulation du capitalisme: Keynes avait déjà tout dit
Il n'aimait ni la bourse, ni le capitalisme, ni la croissance : un homme bien, quoi
Que pensait-il de la Bourse ? Il y fit fortune. Mais il méprisait la théorie de l’offre et de la demande. Il pensait que la bourse était affaire de panurgisme, de mimétisme, de mouvements de foule. Il croyait beaucoup à la psychologie et fut un grand lecteur de Freud.

La croissance n’avait pas plus ses faveurs : il fut avant l’heure un adepte de la décroissance. Il détestait les rentiers, ceux qui ajoutent des pièces d’or à leur montagne d’or, les rentiers qu’il projetait « d’euthanasier ». Il était un adepte des monnaies fondantes, des monnaies qui ne servent qu’à la consommation, impropres à l’épargne et l’accumulation.

Quant à l’économie, il pensait que ce n’était pas une science, ou en tout cas une discipline subalterne, du même ordre que la dentisterie ou la plomberie, utile, sans plus. Et pourtant il a produit une magnifique théorie économique.

Enfin, il pensait que le capitalisme porte en lui une pulsion de mort, de destruction de la nature et de la société, et d’ailleurs, la phrase du jour résumera assez bien son opinion : « Le capitalisme décadent, international mais individualiste dans lequel nous nous sommes retrouvés après la guerre n’est pas un succès. Il n’est pas intelligent, il n’est pas beau, il n’est pas juste, il n’est pas vertueux – et il ne livre pas la marchandise ! En bref, nous ne l’aimons pas et nous commençons à le mépriser. » John Maynard Keynes (L’autosuffisance nationale, 1933).

Marianne.

Je ne le savais pas aussi radical

Mais bon Marianne, faut prendre avec des pincettes, il se disait aussi libéral donc bon...

Oui je me suis dit ça aussi. Il a eu une vie tellement remplie qu'on peut trouver tout et son contraire. Enfin c'est rigolo, ça change des portraits "orthodoxes".

La première fois que je le vois sous cet angle là ^^

Bien que j'admire son savoir faire en matière d'économie, les contre-théories inébranlables (du moins jusqu'à maintenant) de Milton Friedman l'ont beaucoup fait baisser dans mon estime.

J'aime bien le protrait qui en dressé ici. Surtout, j'apprécie que ce soit quelqu'un qui envisage l'économie sans mathématiques ^^ Ce qui simplifie beaucoup les choses et le rapproche de moi =D

Pareil que vous, c'est un portrait assez singulier. Mais c'est vrai que ça fait du bien de lire ça dans un journal mainstream

Malheuresement Keynes est mort. Rose & Milton Friedman l'ont balayé. Et les politiques ne sont pas en train de revenir au Keynesianisme.

Ils en donnent l'impression, c'est à la mode xD Les neo-keynesiens ont par contre gagné du terrain, sans aucun doute.

Dommage que ses théories aient été infirmées, mais faut bien admettre que sur ce coup là les libéraux ont fait fort ^^

Cohn-Bendit, keynésien incomplet?

L'économie verte, ce n'est pas forcément la décroissance, c'est la croissance par l'investissement vert, comme la prône Daniel Cohn-Bendit.

Aujourd’hui tout le monde est keynésien, comme tout le monde était communiste ou résistant à la Libération de Paris. Il n’est que voir les partis de droite qui parlent de contrôle, régulation, nationalisation, intervention, bref. J’écoutais l’économiste Amartya Sen qui disait que le keynésianisme était quelque chose de limité, de purement technique, limité à des questions de « demande » : quand la demande privée est défaillante, il faut lui substituer de la demande publique. Ca c’est le petit bout de la lorgnette, la version primaire de Keynes, celle qu’on raconte aux collégiens : Keynes c’est la demande, Marx la lutte des classes, Schumpeter la destruction crétrice, Hayek l’ordre spontané, Adam Smith la main invisible, et en voiture Simone. Non. Le keynésianisme de Cohn-Bendit est plus intéressant


Il était libéral, il est devenu keynésien.Cohn-Bendit, keynésien incomplet?

Oui, il était libéral libertaire et il prone désormais un « keynésianisme vert. » C’est quoi ce monstre ? Ce n’est pas le capitalisme repeint en vert : ce n’est pas la relance de la consommation de voitures par des primes à la casse, même si elles consomment moins. C’est l’investissement dans des programmes d’énergie renouvelable. Mais là où je dis que Keynes n’est pas fréquentable, c’est parce que Keynes prônait tout simplement l’euthanasie du rentier et l’abolition de l’accumulation. Pour le dire en français, il était pour la décroissance, il suffit de lire le dernier livre de son grand ouvrage « La Théorie générale ». Il parle de l’étrange prophète Sylvio Gesell, inventeur des « monnaies fondantes », monnaies impropres à l’accumulation, monnaies qui interdisent à l’argent de faire de l’argent.

Ce sont les monnaies des sels, les systèmes d’échanges locaux, ces monnaies créées par des particuliers qui n’ont pas accès au crédit, qui n’ont pas droit à un compte en banque, et qui fabriquent leur propre monnaie, pour se donner, dans leur communauté, du travail ; mais je vais beaucoup plus loin ! On verra, si on lit Keynes, qu’il était pour la nationalisation du sol ! Parce qu’il estimait que la terre était, pour une nation, un bien collectif ; et parce que la Terre, du fait de sa rareté, est porteuse de rente. Or la rente pour lui, je le répète, est une catégorie économique illégitime.


Enfin, in cauda venenum, comme dirait Gélinet, Keynes était un ardent défenseur de la beauté, notamment de la beauté architecturale, qu’il voulait offrir même aux plus pauvres, et, que je sache, les économistes ne sont pas vraiment des amis de la beauté.


La phrase : « Montesquieu, le plus grand économiste français, celui qu’il est juste de comparer à Adam Smith. » Keynes, préface à l’édition française de la Théorie générale.

Keynes c’est la demande, Marx la lutte des classes, Schumpeter la destruction crétrice, Hayek l’ordre spontané, Adam Smith la main invisible, et en voiture Simone.

Le deuxième paragraphe est de Cohn-Bendit ? Si ce qu'il dit est vrai, alors je remplacerait le mot incomplet par amélioré (: