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Georges Orwell

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Message par Révolte Mer 6 Fév - 20:48

Si Orwell n’est pas étranger à la sensibilité anarchiste (son engagement dans la guerre d’Espagne, aux côtés des communistes, l’amène à conclure qu’il est finalement proche des anars), c’est cependant un démocrate et un partisan de l’Etat de droit, jugeant son absence impossible, voire indésirable au sein d’une société moderne. En outre, « patriote du fond du cœur », il défend les valeurs nationales, qui pour lui ne sont pas un simple mot, un concept abstrait, mais « la démocratie empirique et sensible, incarnée sous nos yeux dans une nation donnée, qu’il convient donc de savoir reconnaître ». Anarchiste par sensibilité, mais, par raison, rebelle à l’anarchisme !

Le terme de tory nécessite un rapide exposé historique : né au 17ème siècle en Angleterre, ce sobriquet désigne le Parti Conservateur, opposé aux « whigs », parti du « mouvement » – et, à ce titre, favorable au capitalisme libéral de Marché. Les whigs procèdent aux réformes morales nécessaires au développement du capitalisme. De manière à la fois logique et absurde, selon le plan de la réflexion où l’on se situe, la « Gauche » anglaise s’est donc historiquement ralliée à ce mouvement, destructeur des Tories, puisque ceux-ci se voulaient défenseurs d’un ordre social communautaire et hiérarchisé. Toute conservation devant être bannie par la « Gauche », elle s’est donc retrouvée, de fait, dans le même camp que les libéraux, face aux conservateurs. En Angleterre plus qu’ailleurs, il est clair qu’il y a trois camps : la « Gauche », les libéraux, les conservateurs. Et il est clair que la « Gauche » est souvent plus proche des libéraux que des conservateurs.

Pourtant, Orwell est socialiste, et fondamentalement « de Gauche ». Mais il importe de comprendre ici de quelle Gauche il est question, quand on parle l’Orwell.

Orwell insistait énormément sur l’usage précis des mots en politique : il distinguait deux socialismes historiques, qui définissent deux sensibilités bien distinctes :

1 ) Le socialisme populaire de « Gauche constituante » (transcendantale), fondé sur le concept-clé de la pensée d’Orwell, la « common decency », ensemble de valeurs partagées permettant le lien commun et qui font sens, la notion exprimable ou non de ce qui se fait et ne se fait pas, loyauté, amitié, désintéressement, générosité, la haine des privilèges, et plus généralement le don agonistique maussien ;

2 ) Le socialisme de l’ancien courtisan, devenu intellectuel partidaire de la « Gauche constituée » (empirique), « monde d’idées et [de] peu de contact avec la réalité physique ». C’est cette figure de l’intellectuel partidaire de Gauche, dénué de sensibilité morale et de common decency, qui fait pour Orwell le lit du totalitarisme : l’amour du pouvoir détourne d’une société juste, c’est-à-dire libre, égalitaire et décente.

La rupture entre ces deux « Gauche » explique qu’Orwell puisse être à la fois « de Gauche », « anar », et cependant « tory ».

A travers la pensée politique d’Orwell, deux axes majeurs se recoupent, complémentaires, et que Michéa analyse ainsi : dans un premier temps, « le sens de la liberté, et donc du langage » ; dans un second temps « le sens du passé, et donc de la morale ».

Par opposition, l’intellectuel du 20ème siècle, gorgé de ressentiment du fait de son inutilité (le cadre courtisan classique est aboli par le règne de la seule valeur d’échange) cherche à trouver sa légitimité dans les revues littéraires et les partis politiques de gauche, via le militantisme et l’appareil hiérarchisé du Parti. Michéa y rajoute, s’agissant d’aujourd’hui, le monde des associations, qui « peuvent tout aussi bien ne représenter qu’une simple démocratisation de la volonté de puissance et donc une possibilité supplémentaire de parler au nom du peuple et de décider à sa place ». Pratiquant la « langue de bois », dont le Novlangue est l’aboutissement ultime, l’intellectuel partidaire tronque le réel par une manipulation des signes, point commun avec l’altération de la réalité produite par les mécanismes linguistiques et psychologiques des régimes totalitaires – où l’on comprend pourquoi l’intelligentsia, à la recherche perpétuelle d’un maître, est fascinée par ces régimes.

Un fossé est creusé par la corruption du langage dont l’intellectuel partidaire est l’agent conscient : les nantis, coupés du réel, édictent la langue officielle, mais celle-ci perd de son sens – pour Orwell, le sens n’est produit que par le contact avec le réel, d’où l’indispensable rôle des prolétaires dans le maintien d’une langue vivante. Le désordre politique serait donc corrélé au déclin du langage.

Pour pallier cette perte, Orwell préconise la fabrication consciente de mots manquants ou l’activité littéraire, la traduction du monde de la sensation et de la polysémie des mots (the roundabout method). Dans le cas contraire, les conséquences seraient désastreuses et mèneraient à la « canelangue » (duckspeak) : « les bruits appropriés sortent du larynx mais le cerveau n’est pas impliqué, comme il le serait si lui-même devait choisir les mots ». Ainsi, le discours idéologique moderne procède de la logique du Novlangue, réducteur de mots. C’est pour Orwell, nous dit Michéa, le double tranchant d’une langue comme l’anglais : facile à parler, donc facile à pervertir. Une réaction, en somme, est pour l’anarchiste tory indispensable pour protéger la civilité et le langage traditionnels contre les effets de la domination de classe.

C’est ici qu’entre en jeu l’axe second de la réflexion politique d’Orwell, sur le sens du passé et donc de la morale. Mal compris, ses romans sembleraient inviter au déracinement, à l’arrachement (il faut souffrir pour être moderne, se moque – à raison – Michéa…), pain béni pour le capitalisme mondialisé. Mais tout au contraire, l’auteur de 1984 (qu’il revendique comme une satire sur le monde souhaité par l’intellectuel partidaire, non comme un livre prophétique et annonciateur) promeut le lien et l’attachement. Toute liberté n’est à ses yeux inscrite et décrite que dans une culture donnée. Attachement aux lieux et aux êtres, fait positif en rupture avec l’existentialisme sartrien, la liberté est, chez Orwell, « une somme de fidélités et d’habitudes composant un univers personnel qu’il s’agit à la fois de protéger et de partager ».

Orwell récuse de ce fait le « sens de l’histoire » de la « gauche établie », et sa métaphysique progressiste qui préconise de s’affranchir de tout attachement au passé, prétendus obstacles à l’émancipation ontologique. La question philosophique centrale d’Orwell est : est-ce que cela me rend moins ou plus humain ? Loin du manichéisme, il opte donc pour une comparaison systématique du présent et du passé pour distinguer ce qui dans la modernité aliène ou émancipe, en déterminant les seuils à ne pas franchir. C’est ici que le sens d’anarchiste tory revêt sa pleine signification, au sens de ce que Michéa nomme très pertinemment un conservatisme critique, synthétisation conceptuelle de la pensée politique de George Orwell.

Sens du langage et sens du passé se complètent donc, comme nous en avons la confirmation en ce début de 21ème siècle. La création de Novlangues spécifiques dans chaque domaine professionnel – en particulier le tertiaire pur, avec son globish abscons et pédant – fait décliner l’intelligence critique. Les « mots couverture » (qui recouvrent d’un même sens plusieurs mots, l’inverse de la polysémie, bref une régression voulue) du Novlangue se généralisent pour des usages politiques. « Conservatisme » est d’ailleurs un des meilleurs exemples, et explique la trahison permanente de la « Gauche partidaire » : ce terme est assimilé à « archaïsme », « Droite », « Ordre établi » ou encore « société d’intolérance et d’exclusion », ainsi que l’énumère Michéa.

A partir de là, il devient aisé de comprendre comment la gauche libérale-libertaire a légitimé la conquête capitaliste depuis la Libération, un processus culminant avec le pendant estudiantin soixante-huitard du triomphe du Marché, instant où le Spectacle fut vendu comme subversif et marginal. Toute common decency doit être détruite, pour cette « Gauche » traître par essence, parce qu’à ses yeux, elle n’est que survivance d’un archaïsme oppresseur à bannir, et d’une morale – supposée bourgeoise – honnie. C’est au nom de grands principes émancipateurs que s’accomplissent les dérives majeures de la sur-modernité. Et dans ce cadre, pour légitimer son maintien, la « Gauche constituée » doit faire croire, plus que jamais, au danger réel des « forces du passé ».

Source : http://www.scriptoblog.com/index.php?option=com_content&view=article&id=515:orwell-anarchiste-tory-jc-michea&catid=53:politique&Itemid=55
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Message par Camarade Troska Mer 6 Fév - 22:35

Orwell, la coqueluche de tous les mouvements politiques. Les fascistes l’invoquent pour critiquer la « bien-pensance gauchiste ». Les gauchistes s’en réclament pour sa critique des sociétés sécuritaires et inégalitaires. Les républicains s’en servent pour dénoncer les « extrémismes » et autres « utopies » dangereuses. Il est grand temps de se pencher de plus près sur la pensée de l’auteur, au lieu de se contenter de citer 1984 dans les salons bobos, afin de faire le tri dans ce chaos d’opportunisme et de récupération. Non, je ne me réclame pas d’Orwell, malgré mon engagement anticapitaliste et antiétatique. Et j’ai de bonnes raisons pour cela.

Mon analyse s’appuiera essentiellement sur La Ferme des animaux. C’est un livre qui développe une théorie politique précise sous la forme d’une fable imaginaire, ainsi qu’une vision de l’histoire : il raconte de manière voilée les événements de la Russie de 1917 et après, sans respecter la chronologie cependant. Notre thèse est la suivante : La Ferme des animaux est un livre contre-révolutionnaire de façon générale, ce n’est pas seulement une condamnation d’Octobre Rouge. Cette fable est un pamphlet contre l’idée de révolution elle-même, et lui oppose un conservatisme libéral bon teint, qui, sous couvert de bonne conscience anti-utopique, légitime idéologiquement la répression des mouvements révolutionnaires progressistes. Ce n’est donc pas étonnant que les sociaux-démocrates, les conservateurs, les fascistes et les gauchistes casseurs de grève font d’Orwell une de leurs idoles.

Il y a trois arguments principaux sur la Ferme des animaux qui nous conduisent à notre thèse.

1. Une téléologie sans faille est mise en œuvre dans cette fable. La mise en place du régime « totalitaire » a été causée par la révolution, révolution elle-même causée par le discours de Sage l’Ancien. Ces faits fictifs transposés en termes historiques signalent que Marx-Lénine doit nécessairement aboutir à Octobre Rouge, et qu’Octobre Rouge doit nécessairement aboutir à Staline. Orwell soutient donc une condamnation claire de toute velléité révolutionnaire et/ou utopique, au profit d’un socialisme sans doute « réformiste », à l’anglaise. Sur ce point comme sur d’autres, la Ferme des animaux semble être l’expression littéraire de la philosophie de Karl Popper dans La société ouverte et ses ennemis (ouvrage écrit en même temps que l’ouvrage d’Orwell), et le corrélat de la politique de la Société du Mont-Pèlerin, c’est-à-dire du social-libéralisme.

1.1 Cependant, Orwell montre avec le personnage Snowball/Trotsky qu’une autre voie que celle de Napoleon/Staline était possible. De deux choses l’une : soit Orwell n’a pas compris le trotskysme, qu’il a pourtant fréquenté au POUM, en l’idéalisant et en le victimisant ; soit il considère que Trotsky et Staline, c’est la même chose, et dans ce cas on revient au point précédent. Par ailleurs, il est significatif que dans le dossier consacré à l’interprétation de l’œuvre et à la vie d’Orwell (édition Folioplus classiques), il est dit que Orwell a fréquenté les anarchistes et les trotskystes au POUM, mais dans la dernière occurrence, seuls les anarchistes sont mentionnés. Oubli inconscient ou volontaire des trotskystes par le commentateur ?

2. Orwell présente la nomenklatura comme une caste privilégiée qui confisque les acquis de la révolution, dans son intérêt privé et personnel. Orwell se place ainsi en défenseur de la théorie libérale-conservatrice (exprimée par exemple par Karl Popper ou Friedrich Hayek) qui veut que la tyrannie soit le gouvernement de l’intérêt privé, tandis que le gouvernement juste est celui qui agit dans l’intérêt général (que cet intérêt soit celui des masses, comme dans le cas du socialisme réformiste du type de la social-démocratie allemande de Gotha, ou celui de l’élite, comme dans le cas des néoconservateurs). On voit ici qu’Orwell ne comprend manifestement pas la spécificité du « totalitarisme » comme phénomène radicalement nouveau. Pourtant, Orwell effleure la définition d’Hannah Arendt du totalitarisme lorsqu’il met en exergue les mensonges idéologiques à but propagandiste. Seulement, la radicale nouveauté du totalitarisme, en contraste avec l’ancienne tyrannie, est justement que le totalitarisme n’agit pas dans l’intérêt privé, mais au contraire dans un intérêt déclaré « supérieur », comme celui de la race ou de la classe. Et c’est évidemment le cas dans le stalinisme historique : le régime stalinien ne gouvernait pas pour l’intérêt privé des dirigeants, sinon il n’y aurait pas eu la Grande Terreur de 1937, qui visait autant la nomenklatura que les masses. De même et comme le montre Hannah Arendt, le mensonge dans le totalitarisme est un mensonge systématisé au point que les instigateurs du mensonge finissent eux-mêmes par ne plus posséder et croire en la vérité, contrairement là encore à la tyrannie classique de type « machiavélique ».

3. Orwell évoque une position « naturaliste » dans La Ferme des animaux. Les cochons sont les plus intelligents, donc ce sont eux qui prennent le pouvoir et qui instaurent le régime « totalitaire » opprimant le peuple. Or les autres animaux, bien moins intelligents que les cochons, ne vont se révolter à aucun moment. Il se produit seulement quelques protestations ça et là. Il y a donc la masse inférieure incapable de comprendre ce que font les dirigeants, et les dirigeants super-intelligents qui ne soulèvent aucune opposition. Orwell sur ce point et contrairement à sa méthode, lit bien mal l’histoire : les oppositions en U.R.S.S. ont été nombreuses. Certes, nous pouvons supposer qu’Orwell force le pessimisme pour adresser un message aux masses et leur dire de ne pas s’endormir et de se révolter. Sorte de littérature cynique… Nous pouvons toutefois laisser ici à Orwell le bénéfice de l’équivoque.

Orwell a tout du libéral bon teint de tradition anglo-saxonne, refusant toute violence, considérant que chacun agit selon son intérêt privé, défendant la bonne vieille liberté d’expression libérale, dénonçant le révolutionnarisme comme totalitaire. C’est ce qui ressort également de sa préface à la Ferme des animaux. Son « socialisme » n’est basé que sur des sentiments éprouvés à la vue des opprimés, nullement sur des raisons idéologiques (et je le cite quasiment textuellement). Le doux sentiment personnel (n’en faisons pas non plus un romantique) comme source de la morale, n’est-ce pas une idée dans la continuité de la philosophie sociale-libérale de David Hume ou de John Stuart Mill, plutôt que de Karl Marx ?

La Ferme des animaux fait partie de ce que Slavoj Žižek appelle les « antioxydants idéologiques » ; elle réduit toute révolution, toute velléité utopique, toute volonté de changement radical à un « totalitarisme ». Au contraire, Orwell réhabilite une politique de la finitude et de la contingence, une politique essentiellement pessimiste qui fait le lit de la réaction et du capitalo-parlementarisme.

http://feudeprairie.wordpress.com/2011/03/18/georges-orwell-un-intellectuel-contre-revolutionnaire/
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Message par Révolte Mer 6 Fév - 23:22

Il juge l'homme à partir d'un seul livre qui se veut être une parodie de la révolution d'octobre et son évolution.
C'est un peu léger. Je ne connais pas non plus beaucoup de bons libéraux anglo-saxon qui auraient écrit hommage à la Catalogne et se serait battu physiquement pour elle.
Rappelons que dans l'histoire, il a pris une balle dans le cou.
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